Le Patrimoine en Martinique

Le Patrimoine en Martinique

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

· Patrimoine et Objets

LE PATRIMOINE EN MARTINIQUE

UN PEU D'HISTOIRE

L’élargissement de la notion du patrimoine commence dans les années 1950. En effet, elle intègre l’ensemble des témoins matériels de l’Homme et de son environnement [1]. Dans cette nouvelle définition du patrimoine, la notion d’héritage familial n’est plus présente :

« L’ensemble de tous les biens ou valeurs, natures ou créés par l’Homme, matériels ou immatériels, sans limite de temps, ni de lieu, qu’ils soient simplement hérités des ascendants et ancêtres des générations antérieures ou réunis et conservés pour être transmis aux descendants des générations futures » [2].

L’évolution de la notion patrimoniale se poursuit avec une réglementation majeure dans les années 1960 [3]. Il s’agit du fameux Inventaire général d’André Malraux [4] créé en mars 1964. Rattaché à la direction de l'Architecture et du Patrimoine du ministère de la Culture et de la Communication, l’Inventaire général de Malraux avoir pour mission principalement de de recenser, étudier et faire connaître l'ensemble du patrimoine français [5].

Ainsi, le patrimoine est devenu un référent au passé, qu’il convient de sauvegarder pour le présent et l’avenir [6]. Il a donc basculé dans la sphère nationale où il devient l’héritage commun de la Nation qu’il faut préserver et conserver.

Il faut attendre dans les années 1970 voire même 1980 pour voir une prise de conscience réelle du patrimoine.

En effet, tout change durant l’époque charnière de l’histoire des politiques du patrimoine, à savoir les années 1978-1984, où la notion du patrimoine devient « plurielle », est mise en valeur et est diffusée grâce aux musées [7].

L’année du patrimoine en 1980 en donne l’impulsion. Le lancement de cette année révèle l’intensité de la mobilisation des Français autour d’un concept dont les frontières se dilatent durant quelques années.

Le concept de cette année du patrimoine est mise en place par le Ministre de la Culture en poste, Jean-Philippe Lecat, en 1980. Il explique, dans une interview, télévisée, que l’année du patrimoine est une initiative de l’État français qui consistait à dire aux Français, que pendant un an : « on va essayer de regarder ce que c'est notre patrimoine, bien commun et vous allez nous dire comment vous concevez la valorisation, la conservation, d’enrichissement de ce patrimoine »[8].

Les Français ont pris alors en main leur patrimoine en 1980 [9].

LE PATRIMOINE ETHNOLOGIQUE

Elle affirme de la lecture ethnologique du patrimoine [10]. Effectivement, cette année s’accompagne de la Mission et du Conseil du patrimoine ethnologique en 1980.

Dès 1978, la Société d’ethnologie française, présidée par Isac Chiva, avait déjà revendiqué l’importance du patrimoine ethnologique, à l’égard du patrimoine artistique, historique et archéologique [11].

Le président de cette société souligna, effectivement, l’urgence de la conservation du « patrimoine ethnologique » qui risque de se détériorer, due aux évolutions liées à l’urbanisation et à l’industrialisation croissante [12].

Non seulement, nous constatons l’émergence d’une nouvelle discipline, l’Ethnologie [13] et son complément d’analyse, « le travail sur le terrain », l’Ethnographie [14] mais également, à la mise en œuvre d’une politique publique autour de la notion du « patrimoine ethnologique » [15].

Le rôle de Georges Henri-Rivière est aussi important dans cette ouverture plus large de la notion du patrimoine. En effet, responsable du Musée d’Arts et Traditions populaires, il joue un « rôle de passeur » entre les problématiques patrimoniales en construction au sein des organismes, notamment l’ICOM [16].

Domaine de Tivoli_Fort-de-France_Article Patrimoine martiniquais

Domaine de Tivoli_Fort-de-France_Article Patrimoine martiniquais. Crédits-photo, Mélody Moutamalle

LE PATRIMOINE EN MARTINIQUE

Avant les années 1980, les deux termes étaient intimement liés en Martinique, contrairement en France, où ils étaient totalement dissociés. En effet, les premiers musées apparaissent dans les années 1920 dans l’île.

Leur naissance tardive, selon Danielle Bégot, s’explique par une « l’absence d’image propre de ces territoires coloniaux qui se sont très longtemps vus et qui se voient comme le simple prolongement de la « mère-patrie » [17]. Ces établissements sont, au contraire, les balbutiements d’une réflexion sur le patrimoine local. De plus, la plupart sont aidés par le Conseil général, collectivité présente depuis 1827. En s’impliquant ainsi dans les projets de musées, celui-ci jette les « premières bases d’une politique culturelle » [18].

Les deux notions subissent des évolutions au fil des années grâce à l’action de divers acteurs culturels tels que Robert Rose-Rosette et sa conception patrimoniale innovante, à travers la création du Musée de la Pagerie (cliquez ici pour voir l'article) en 1954 ou encore Michel Leiris, Georges Henri-Rivière et Jean Cuisenier, venus en mission dans le département martiniquais dans le but d’apporter leurs observations pour améliorer les installations muséales déjà existantes.

Il faut attendre les années 1980 pour voir une nette évolution de ces deux termes, accentuée par deux évènements historiques majeurs : l’Année du patrimoine de 1980 qui a impulsée le débat autour de cette question et l’arrivée d’une nouvelle collectivité, le Conseil régional, en 1983. Elle a été mise en place par la décentralisation. Celle-ci fait, de la valorisation de l’Histoire locale et de l’identité martiniquaise, l’élément phare de son programme politique.

Système hydraulique pour Moulin à eau_Carbet_Habitation Latouche_Article Patrimoine martiniquais

Système hydraulique pour Moulin à eau_Carbet_Habitation Latouche_Article Patrimoine martiniquais. Crédits-photo, Mélody Moutamalle

L'ANNÉE DU PATRIMOINE, 1980

Les années 1980, tout comme en France, sont un virage patrimonial et muséal en Martinique, car l’année du Patrimoine impulsée par le gouvernement français en 1980 provoque une prise de conscience du « patrimoine martiniquais ». Cette année permet de se poser la question de l’évolution du patrimoine martiniquais, ainsi que des traditions de l’île [19]. De ce fait, la question identitaire de la Martinique est au cœur des débats car elle est le fruit de métissage né d’un brassage des peuples de passage de l’île à travers les siècles (Européens, Africains, Indiens, Chinois et Caraïbes) [20].

Le Docteur Rose-Rosette résume ces débats en disant qu’il existe un « particularisme antillais » qui commence à être pris en compte en Martinique.

Cette prise de conscience se manifeste par de nouveaux aménagements divers : création de musées, d’enseignements scientifiques pour connaître l’Histoire locale… [21] durant les années 1980.

Celle-ci se perpétue encore aujourd’hui mais à une autre échelle, donnant ainsi au patrimoine martiniquais, une richesse culturelle extraordinaire.

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BIBLIOGRAPHIE

  • AUDRERIE, Aude, La notion et la protection du patrimoine, Paris, Presses Universitaire de France, 1997.
  • BEGOT, Danielle, « Musées et politique patrimoniale des DOM antillais, l’exemple de la Martinique » in J. M BRETON (dir.), Patrimoines et tourisme alternatif : Afrique, Caraïbe, Amérique, Europe, Paris, Karthala-Crejeta, 2009, pp. 107-124.
  • CHASTEL, André, « La notion de patrimoine » in NORA, Pierre (dir.), Les lieux de mémoire, Tome 2, La nation, Paris, Gallimard, 1986, pp. 405-450.
  • DESVALLEES, André et MAIRESSE, Françoise, Concepts-clés de muséologie, 2010.
  •  POIRRIER, Philippe, « Les politiques du patrimoine en France sous la Ve République. D’une politique étatique à une politique » in HAL, archives-ouvertes.fr, pp. 95-114.
  • VARDELORGE, Loïc, « Le patrimoine comme objet politique », in GROGNET, Hélène, Pour une histoire des politiques du patrimoine, Paris, Comité d’histoire du ministère de la culture, 2003.
  • André Malraux et l'Inventaire général par Michel MELOT.
  • Interview télévisée du Ministre de la Culture, Jean-Philippe Lecat, 7/12/1980, Année du patrimoine, définition, http://www.ina.fr/video/I00015225/jean-philippe-leat-sur-l-annee-du-patrimoine-video.html (10/05/15).
  • 14J107/1, « Le patrimoine antillais hier et aujourd’hui », Robert Rose-Rosette, Conférence sur le patrimoine hier et aujourd’hui, 1983-1984, AD 972. La première conférence a eu lieu à l’Hôtel Impératrice, le 25 juin 1984.

NOTES

[1] DESVALLEES, André et MAIRESSE, Françoise, Concepts-clés de muséologie, p. 65.
[2] Ibid.
[3] CHASTEL, André, « La notion de patrimoine » in NORA, Pierre (dir.), Les lieux de mémoire, Tome 2, La nation, Paris, Gallimard, 1986, pp. 405-450, p. 440.
[4] Ministre de la Culture du Gouvernement français (1959-1969).
[5] André Malraux et l'Inventaire général par Michel Melot (disponible en ligne).
[6] AUDRERIE, Aude, La notion et la protection du patrimoine, Paris, Presses Universitaire de France, 1997, p. 5.
[7] VARDELORGE, Loïc, « Le patrimoine comme objet politique », in GROGNET, Hélène, Pour une histoire des politiques du patrimoine, Paris, Comité d’histoire du ministère de la culture, 2003, p. 12.
[8] Interview télévisée du Ministre de la Culture, Jean-Philippe Lecat, 7/12/1980, Année du patrimoine, définition, http://www.ina.fr/video/I00015225/jean-philippe-leat-sur-l-annee-du-patrimoine-video.html (10/05/15).
[9] Ibid.
[10] POIRRIER, Philippe, « Les politiques du patrimoine en France sous la Ve République. D’une politique étatique à une politique » in HAL, archives-ouvertes.fr, pp. 95-114, p. 5.
[11] Ibid.
[12] Ibid.
[13] « Étude explicative et comparative de l'ensemble des caractères de groupes humains, particulièrement des populations « primitives », qui tente d'aboutir à la formulation de la structure et de l'évolution des sociétés », définition prise sur http://www.cnrtl.fr/definition/ethnologie (lu le 11/06/15).
[14] POIRRIER, Philippe, « Les politiques du patrimoine en France sous la Ve République. D’une politique étatique à une politique » in HAL, archives-ouvertes.fr, pp. 95-114, p. 5.
[15] Ibid., pp. 5-6.
[16] Ibid.
[17] BEGOT, Danielle, « Musées et politique patrimoniale des DOM antillais, l’exemple de la Martinique » in J. M BRETON (dir.), Patrimoines et tourisme alternatif : Afrique, Caraïbe, Amérique, Europe, Paris, Karthala-Crejeta, 2009, pp. 107-124, p. 107.
[18] Ibid., p. 111.
[19] 14J107/1, « Le patrimoine antillais hier et aujourd’hui », Robert Rose-Rosette, Conférence sur le patrimoine hier et aujourd’hui, 1983-1984, AD 972. La première conférence a eu lieu à l’Hôtel Impératrice, le 25 juin 1984.
[20] Ibid.
[21] Ibid.