L'un des premiers musées en Martinique

L'UN DES PREMIERS MUSÉES EN MARTINIQUE : LE MUSÉE COLONIAL

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

· Musées et Lieux

L'UN DES PREMIERS MUSÉES EN MARTINIQUE :

LE MUSÉE COLONIAL

La première vague muséale en Martinique s’étale sur trente ans. Dans celle-ci, trois structures sont créés : le Musée consulaire de la Chambre de Commerce et d’Industrie en 1924, le Musée de Joséphine en 1929 et le Musée vulcanologique.
 

Ces derniers sont nés sous l’impulsion de notables, passionnés par l’Histoire locale, qui souhaitent voir une partie du patrimoine local valorisé. Au même moment, un projet-musée a été proposé en 1935, celui de doter l’île d’un Musée colonial. Il est également impulsé par l’action d’un notable.

L'Histoire d'un des premiers musées de Martinique

Créé Théodore Baude, ce notable a effectué une grande carrière dans l’Administration de la Colonie. Il commence étant qu’attaché au bureau du Marin en 1886 jusqu’à devenir, en 1908, Chef de service de l’Administration et en 1921, Directeur de 3ème classe[1]. Son vœu le plus cher est de léguer un Musée à la Martinique :

« dans ce pays où les documents historiques et les archives sont si rares et constituerait une base solide pour les historiens de l’avenir. Avec une patience, une érudition, un souci de l’authenticité qu’on ne saurait trop louer, il en a […] assemblé les matériaux […] » [2].

Il a ainsi constitué une collection présentant l’archéologie précolombienne. Elle était entreposée dans les deux petites pièces de la Chambre de Commerce à l’étage, se trouvant à la rue Victor Hugo, à Fort-de-France. Théodore Baude est l’un des érudits de l’île à s’intéresser à cette forme d’archéologie. Mais, sans gardiennage permanent et sans indication d’heures d’ouverture, ce musée ne pourrait pas remplir les fonctions d’éducation malgré l’intérêt de ces objets pour l’Histoire et le patrimoine local[4].

De plus, de 1925 à 1936, le directeur du musée, Théodore Baude, a reçu des documents rares pour enrichir la collection comme un album géographique et historique de la Guadeloupe par le Gouverneur de la Colonie en 1933, les toiles peintes figurant au Pavillon de la Martinique à l’Exposition coloniale de 1931 ou encore des moulages et des photographies de pièces (cartes, gravures, autographes) donnés par le Conservateur du Musée d’Ethnographie de France.

Le lieu devient donc inapproprié. En effet, la collection n’est plus seulement archéologique mais également ethnographique. Dans un rapport non daté et sûrement de Théodore Baude, il est cité que :

« L’île ne possède pas de musée pour l’éducation des enfants. L’Administration et le Syndicat d’initiative veulent combler ce vide en édifiant un musée. L’ossature métallique du Pavillon de la Martinique de 1931, qui est dans une cours de l’Artillerie, sera le musée »[2].
 

Ce transfert est affirmé par une session ordinaire du Conseil général en 1933. Le rapporteur, M. Saint-Cyr, rappelle que lors de la séance du 29 novembre 1932, il a été décidé que la charpente métallique de la Martinique de l’Exposition coloniale, présenté par la photo à ci-dessous, servira à l’édification d’un Musée sur la Place des Ancres à Fort-de-France.

palais-expo-musee-martinique-histoire-pitak

Œuvre architecturale de M. Wulfflelf, il sera judicieux, selon M. Saint-Cyr, de faire appel à lui pour concrétiser ce projet. Cet édifice est important pour la colonie martiniquaise lors de cette exposition qui a pour but de montrer les possessions de la France car il est le symbole de la spécificité de celle-ci. De plus, le bâtiment rappelle aux grandes demeures des riches propriétaires comme celle des familles Dormoy[3] ou Depaz[4], construites dans les années 1920.

Il faut ajouter que Théodore Baude était nommé président des intérêts martiniquais, pendant la même manifestation. Il savait donc pertinemment à quoi ressemblait cette bâtisse et qu’elle pouvait abriter le Musée colonial.

Un Musée pour la Martinique : une aide de la collectivité de l'île

En plus du transfert de ce dernier dans le Pavillon de Martinique, un crédit de principe d’un montant de 50 000 francs est alloué par la collectivité pour d’une part, l’Administration négocie avec l’architecte et d’autre part, pour l’aménagement de la place décidée. Entre 1934 et 1935, le dossier est confié à la Direction des Travaux publics et Grands Travaux.

Celle-ci entreprend la construction du musée en prenant soin d’utiliser l’armature de la charpente métallique. En 1935, un plan est dégagé, vu par le schéma ci-dessous :

musée-colonial-martinique-histoire-pitak

À travers ce dessin s’inspirant des plans du fonds archivistique « Musée colonial », cela permet d’observer l’aménagement intérieur de la nouvelle structure. Cette dernière possède deux salles d’expositions spécifiques :

- une pour la peinture

- une autre pour les collections scientifiques.

Un musée scientifique comme celui de Saint-Pierre

Le Musée colonial serait donc le second musée à vocation scientifique (après celui de Saint-Pierre) de l’île. De plus, il est le premier centre de recherche sur le territoire car il a une salle pour consulter des documents pour que les chercheurs puissent avoir accès à une bibliothèque alimentée par les investigations de son directeur, Théodore Baude. En attendant la construction de la structure d’accueil, le musée est alors transféré dans deux des bâtiments situés à l’entrée de l’ancien hôpital militaire en 1935. Cette information a été confirmée lors de la session ordinaire du Conseil général en 1936.
 

Cependant, une complication survient en 1939 pour la cession de la charpente métallique. Effectivement, le Conseil général a adopté, lors de la séance du 26 novembre 1937, la donation de cette armature au Syndicat d’Initiative pour l’installation du musée et par une autre délibération du 25 novembre 1938, la collectivité émet un vote positif pour la céder à la commune de Rivière-Salée pour qu’elle devienne un bâtiment communal. Cette épineuse affaire est discutée durant une réunion entre les conseillers généraux le 28 septembre 1939. À la fin de cette conservation, il a été délibéré que :

« la charpente métallique du Pavillon de la Martinique à l’Exposition de 1931 soit rendue à sa destination primitive « création d’un Musée colonial » et donnée à la Ville de Fort-de-France. Prenant note des déclarations du Député-Maire de Fort-de-France, que le Musée colonial soit réalisé dès l’exercice 1940. Le Conseil général veuille bien adopter le principe d’une aide à la commune de Fort-de-France dans l’installation du Musée dont l’utilité est d’ordre colonial » [5].

Malgré cette décision en faveur de Théodore Baude, dans une lettre, écrite par lui et adressée au Maire Victor Sévère en 1947, la question de lieu d’accueil pour le musée revient.
 

En effet, il aborde deux points essentiels dans cette lettre : la construction d’une collection et la construction de deux locaux (un pour le musée qui montre les arts, le travail de l’Homme et l’Histoire naturelle de la Martinique et un autre pour entreposer conformément la collection muséale pour éviter qu’elle soit exposée aux caprices climatiques). Il désirait que le local-musée soit bâti « dans le genre et dans l’importance » du préventorium colonial[6]. Pour cela, il peut disposer d’une subvention 707 000 francs du Comité d’Initiative. Il sollicite donc la commune de Fort-de-France de l’aider.

La mort de Théodore Baude, deux ans après cette lettre, laisse la question de ce musée en suspens, malgré que le Syndicat d’Initiative ait essayé de reprendre le projet. Le Musée colonial n’est pas donc né sous l’impulsion du Tricentenaire de 1935, comme l’explique Danielle Bégot de son article[7], mais la volonté d’un homme "martiniquais" de doter son île d’une structure éducative et culturelle pour apprendre à la population locale, leur histoire.

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BIBLIOGRAPHIE

  • Théodore Baude, sa vie, son œuvre, Imp. Bezaudin, Martinique, 1953.
  • LEIRIS, Michel, « Perspectives culturelles aux Antilles françaises et en Haïti » in Politiques étrangères, n°4, 1949, pp. 341-345.
  • Bibliothèque du Musée départemental d’Archéologie précolombienne et de la Préhistoire de la Martinique : documents archivistiques.
  • Bibliothèque du Musée départemental d’Archéologie précolombienne et de la Préhistoire de la Martinique, II. 2. a. 06, Lettre pour Théodore Baude, 02/06/1933.
  • Gallica, session ordinaire et extraordinaire du Conseil général/Département de la Martinique, Conseil général, Martinique, 1933.
  • ADM, Musée colonial de Fort-de-France - 1931-1985.
  • Gallica, session ordinaire et extraordinaire du Conseil général/Département de la Martinique, Conseil général, Martinique, 1936.

NOTES

[1] Théodore Baude, sa vie, son œuvre, Imp. Bezaudin, Martinique, 1953.
[2] Bibliothèque du Musée départemental d’Archéologie précolombienne et de la Préhistoire de la Martinique : documents archivistiques.
[3] La famille Dormoy fait construire une imposante maison par un architecte parisien. Elle est surnommée « le château » sur l’Habitation de la Favorite, au Lamentin (FLOHIC, Jean (dir.), Le Patrimoine des communes de la Martinique, Paris, Attique, 2012).