Un nouveau musée départemental :

le Musée de la Pagerie

· Musées et Lieux

UN NOUVEAU MUSÉE DÉPARTEMENTAL :
LE MUSÉE DE LA PAGERIE

Âgé (il était âgé alors de 77 ans) et épuisé par la gestion écrasante du Domaine de la Pagerie, Robert Rose-Rosette décide de vendre à une collectivité son œuvre, son Domaine, ce lieu patrimonial.

site-musée-Pagerie-histoire-martinique

Site musée_Pagerie (2) : http://www.rrr-passion-martinique.com/?page_id=4529 (23/08/20).

PASSAGE PRIVÉ/PUBLIC : LA VENTE DE LA PAGERIE

Cette vente a été faite en plusieurs étapes. Premièrement, le docteur a établi un procès-verbal afin d’estimer le Domaine, le 13 février 1982 [1]. Une année après, Robert Rose-Rosette rédige une lettre au Président du Conseil général, Emile Maurice, pour lui stipuler qu’il souhaite que le Site-Musée rentre dans la sphère départementale [2].

Pour lui, ce n’est qu’une collectivité qui pourrait assurer la sauvegarde du Domaine. En effet, en passant dans les mains de la collectivité, le Musée de la Pagerie devient « musée controlé », c’est-à-dire, un musée organisé et financé par le Conseil général. Cette possibilité a été certifiée par la loi de Décentralisation du 22 juillet 1983 sur la répartition des compétences entre les deux collectivités [3]. De plus, Robert Rose-Rosette fait don de sa collection à la collectivité [4], ce qui lui donne le droit de participer à la gestion du musée comme la stipule l’ordonnance du 13 janvier 1945 [5]. A noter, que c’est de là que naît l’Association de gestion du Musée dont la création est attestée lors de la séance du 5 mars 1985 par le Bureau du Conseil général [6].

Le 12 octobre 1984, Robert Rose-Rosette vend le Domaine de la Pagerie, ainsi que son musée au Conseil général, en dépit du vif intérêt du Conseil régional, témoigné par l’écrit Camille Darsières au Docteur Rose-Rosette, le 19 mai 1983.

Lors de la vente du Musée de la Pagerie, la propriété des dépôts d’objets du Musée de la Malmaison a été discutée. Rappelons que le Château de la Malmaison est en France, l’ancienne demeure de Joséphine de Beauharnais (acquise en 1799 et légués aux héritiers en 1904) [7]. Il devient un musée en 1905 quand l’Etat en fait l’acquisition et musée national en 1927. Le Château de la Malmaison rassemble un ensemble muséographique remarquable qui présente la vie de Napoléon Ier et de sa famille [8].

Revenons sur la propriété des dépôts d’objets du Musée évoqué. Il a été décidé, lors de la séance plénière du 15 mars 1984, que ces dépôts seront propriétés de la collectivité départementale [9] ; mais il faut souligner que le Musée de la Malmaison s’est engagé à laisser ces objets dans la mesure où c’est une collectivité qui devient propriétaire du Musée de la Pagerie [10].

Bien que le musée devienne une structure départementale en 1984, l’inauguration ne se fera que trois ans plus tard, à cause d’un attentat…

broken image

L’ATTENTAT DE LA PAGERIE ET L'ACTION DU CONSEIL GÉNÉRAL (1986-1987)

En effet, une série d’attentats touche la France et ses territoires d’outre-mer dans les années 1980. Des groupes radicaux indépendantistes commettent des attentats pour obtenir du pouvoir central l’indépendance de leur territoire et d’autres revendications. Toute source exprimant l’appartenance à la France est détruite [11]. Dans la nuit du 15 et 16 mars 1986, le Domaine de la Pagerie a subi un attentat [12]. La bombe détruisit le musée. Cette perte patrimoniale et historique ébranla l’île [13].

Le Conseil général prit en main sa restauration et son aménagement. C’est d’abord un effort financier de la part de cette collectivité d’investir dans la valorisation du patrimoine martiniquais car le Musée de la Pagerie est un outil pour l’économie et le tourisme de l’île. Leur Président du Conseil général, Emile Maurice, le souligne même dans une séance plénière quatre ans auparavant que la valorisation du patrimoine martiniquais est l’une des préoccupations du Département et cette valorisation contribue à l’expansion économique et touristique de la Martinique [14]. En effet :

« On ne fait pas disparaître l’Histoire à coup de bombes » [15].

Pour reprendre les propos du Président du Conseil général en 1986.

Dès mars 1986, notons un véritable investissement pour la restauration et l’aménagement du Musée. Le 25 mars 1986, la collectivité départementale accorde, « à titre exceptionnel » pour reprendre les propos du Bureau du Conseil général, 80 000 francs pour la gestion du Site-musée de la Pagerie, dix jours après l’attentat [16]. Deux mois après l’attentat, par la délibération du 26 mai 1986, toujours dans le cadre de la restauration des objets du musée et de son aménagement, le Conseil général accorde deux crédits [17] :

Un crédit de 55 000 francs pour la restauration des tableaux et des meubles endommagés par l’attentat.

Un crédit de 1 000 000 francs pour entreprendre les travaux d’aménagement au site-musée de la Pagerie.

ruins-of-sugar-mill-martinique-french-west-indies

Image musée_de_la_pagerie_CMT-R-2_edited : Retouchée par Mélody M

Jean-Claude Artigny, Président de la Commission Culture du Conseil général, et l’architecte des Bâtiments de France imaginèrent un plan de réaménagement du site [18]. Ils envisagèrent de réhabiliter les ruines de la Sucrerie, d’étiqueter les arbres et de reconstituer une case à nègre. De plus, un « nouveau plan muséologique » a été imaginé par le conservateur Mario Mattioni (conservateur du Musée départemental d’Archéologie au même moment). Celui-ci a été chargé pour trouver les financements nécessaires pour la réorganisation du musée et pour l’enrichissement de son fonds de collection [19]. Cette décision a été actée par la délibération du 30 juin 1986 [20]. Ce nouveau plan muséographique doit être défini durant le mois de juillet.

Pour harmoniser et faciliter au mieux le travail de restauration et d’aménagement du musée, le 4 septembre 1986, le Bureau du Conseil général attribue à l’Association de gestion du Site-musée de la Pagerie, une subvention de 200 000 francs pour lui permettre de faire face aux dépenses personnelles et de fonctionnement du musée [21].

Le Musée de la Pagerie est inauguré 9 février 1987. Son inauguration rassemble des personnalités locales des deux collectivités locales.

A savoir, la restauration du musée a coûté 1 200 000 francs au Conseil général [22].

Pour rendre attractif ses deux musées, celui de la Pagerie et le Musée départemental d’Archéologie précolombienne et de la Préhistoire de la Martinique, le 12 mars 1987, un mois après, le Conseil général instaure d’un titre unique d’accès (TAC) [23]. Le lancement de cette opération comprend l’impression de cartes d’abonnement et d’un fascicule d’informations dans le cadre d’une campagne d’informations. Lors de cette même séance plénière, un fonds de développement est créé pour l’amélioration des installations et l’enrichissement des collections des musées.

musee-la-pagerie-CMT-tourisme-histoire-martinique

Image ruins-of-sugar-mill_edited : Retouchée par Mélody M

En conclusion, le Conseil général, en achetant le site-musée de la Pagerie, a permis de sauvegarder l'un des patrimoines de l’île. Rappelons que le Domaine de la Pagerie a été acheté, en 1944, par le docteur Robert Rose-Rosette qui a voulu valoriser ce patrimoine. Il a créé pour se faire le Musée de la Pagerie et le Parc des Floralies.

En 1984, le Domaine de la Pagerie devient officiellement un bien départemental. Donc, ce patrimoine « privé », créé et mis en valeur par Robert Rose-Rosette devient un patrimoine public ; en d’autres termes, la passion personnelle d’un homme est transmise au plus grand nombre, en passant dans la sphère départementale.

Le Domaine de la Pagerie est maintenant un tout, un ensemble patrimonial dont l’institution départementale se pose la question, actuellement, de sa revalorisation, qui est maintenant la question de la Collectivité unique, avec l’intégration de la Maison Rosette et du Parc des Floralies dans cet ensemble muséal unique.

 

BIBLIOGRAPHIE

  • BEGOT, Danielle, « Musées et politique patrimoniale des DOM antillais, l’exemple de la Martinique » in J. M BRETON (dir.), Patrimoines et tourisme alternatif : Afrique, Caraïbe, Amérique, Europe, Paris, Karthala-Crejeta, 2009, pp. 107-124.
  • LIAUZU, Claude, Histoire de l’anticolonialisme en France ; du XVIe siècle à nos jours, Paris, Armand Colin, 2007.
  • 14J777, Lettre de M. Hayot [petit-fils de Gabriel Hayot, maire des Trois-Ilets] attestant la propriété du musée au Dr Rose-Rosette (photocopie), fonds Rose-Rosette, AD 972.
  • Lettre de Robert Rose-Rosette du 29 avril 1983, adressée au Président du Conseil général 14J81.
  • Lettre du Président du Conseil général, Emile Maurice, du 26 juillet 1985, adressée à Simone Rose-Rosette, 14J81.
  • Procès-verbal du métreur-vérificateur Césaire Jalta du 13 octobre 1982, 14J81, Vente du domaine de la Pagerie (site et musée) au département : note concernant le domaine, le site et le musée, procès-verbal d’estimation du domaine, correspondance échangée entre le Dr Rose-Rosette avec les présidents du Conseil général et régional, lettres de félicitations d’amis adressées au Dr Rose-Rosette, 1982-1985, AD 972.
  • E. H-H, « L'épopée de la Pagerie » in  France-Antilles Magazine, 23/07/1994 à 29/07/1994 dans 14J50/2, la Revue de presse constituées par le Docteur Rose-Rosette sur le domaine de la Pagerie et Joséphine : articles et photographies reliés, classeur, 1944-1994, AD 972.
  • F.B, « Vers l'aménagement d'un grand Musée de l'Impératrice », in France-Antilles Martinique, 28/03/1986, dans 14J50/2, la Revue de presse constituées par le Docteur Rose-Rosette sur le domaine de la Pagerie et Joséphine : articles et photographies reliés, classeur, 1944-1994, AD 972.
  • P.W, « La Pagerie : attentat à la bombe » in France-Antilles Martinique, 28/03/1986, dans 14J50/2, la Revue de presse constituées par le Docteur Rose-Rosette sur le domaine de la Pagerie et Joséphine : articles et photographies reliés, classeur, 1944-1994, AD 972.
  • « L’exemple de la Pagerie ; Investir dans la culture », in France-Antilles Martinique, dans 14J50/2, la Revue de presse constituées par le Docteur Rose-Rosette sur le domaine de la Pagerie et Joséphine : articles et photographies reliés, classeur, 1944-1994, AD 972.
  • 14J107/1-14J107/2, Conférence sur le patrimoine hier et aujourd’hui, 1983-1984.
  • Séance plénière du 12 janvier 1983, Procès-verbal, PVIN 43102, 1983, disponible au Centre de documentation du Conseil général.
  • Séance plénière du 15 mars 1984, Procès-verbal, PVIN 43103, 1984, disponible au Centre de documentation du Conseil général.
  • Extrait de délibération du 25 mars 1986, B/80-86, 1279W5, Délibérations de la commission permanente du Conseil général, 1986, AD 972.
  • Extrait de délibération du 26 mai 1986, B/182-86, 1279W5, Délibérations de la commission permanente du Conseil général, 1986, AD 972.
  • Extrait de délibération du 30 juin 1986, B/246-86, 1279W5, Délibérations de la commission permanente du Conseil général, 1986, AD 972.
  • Extrait de délibération du 4 septembre 1986, B/323-86, 1279W5, Délibérations de la commission permanente du Conseil général, 1986, AD 972.
  • Extrait de délibération du  21 mars 1987, B/127-87, 1279W5, Délibérations de la commission permanente du Conseil général, 1986, AD 972.
  • Comité de la culture de l'éducation et de l'environnement et la Région Martinique, Musée,  Maisons, Galeries à la Martinique, [s; n], C.C.E.E, 1989.

NOTES

  • [1] Procès-verbal du métreur-vérificateur Césaire Jalta du 13 octobre 1982, 14J81, Vente du domaine de la Pagerie (site et musée) au département : note concernant le domaine, le site et le musée, procès-verbal d’estimation du domaine, correspondance échangée entre le Dr Rose-Rosette avec les présidents du Conseil général et régional, lettres de félicitations d’amis adressées au Dr Rose-Rosette, 1982-1985, AD 972.
  • [2] Lettre de Robert Rose-Rosette du 29 avril 1983, adressée au Président du Conseil général 14J81.
  • [3] Comité de la culture de l'éducation et de l'environnement et la Région Martinique, Musée,  Maisons, Galeries à la Martinique, [s; n], C.C.E.E, 1989, p. 12.
  • [4] La collection muséale du Domaine de la Pagerie, le Docteur Rose-Rosette en fait don au Département, comme il le précise dans sa lettre du 29 avril 1983 : « J’envisage, dois-je préciser, de transmettre en donation à l’acquéreur du bien la collection que j’ai constitué qui, assortie de dépôts, recueille – de notoriété publique – l’appréciation générale ». Lettre de Robert Rose-Rosette du 29 avril 1983, adressée au Président du Conseil régional, 14J81, op. cit. p. 2.
  • [5] Comité de la culture de l'éducation et de l'environnement et la Région Martinique, Idem, pp. 12-13.
  • [6] Lettre du Président du Conseil général, Emile Maurice, du 26 juillet 1985, adressée à Simone Rose-Rosette, 14J81.
  • [7]http://musees-nationaux-malmaison.fr/chateau-malmaison/c-histoire-du-chateau-de-malmaison (lu le 26/06/15).
  • [8] http://musees-nationaux-malmaison.fr/chateau-malmaison/c-origine-des-collections (lu 26/06/15).
  • [9] Séance plénière du 15 mars 1984, Procès-verbal, PVIN 43103, 1984, disponible au Centre de documentation du Conseil général, p. 21.
  • [10] Ibid.
  • [11] LIAUZU, Claude, Histoire de l’anticolonialisme en France ; du XVIe siècle à nos jours, Paris, Armand Colin, 2007, p. 514.
  • [12] P.W, « La Pagerie : attentat à la bombe » in France-Antilles Martinique, 28/03/19865, dans 14J50/2, op. cit. p. 3.
  • [13]  Ibid.
  • [14] Séance plénière du 12 janvier 1983, Procès-verbal, PVIN 43102, 1983, disponible au Centre de documentation du Conseil général, p. 12.
  • [15] P.W, « La Pagerie : attentat à la bombe », Idem.
  • [16]  Extrait de délibération du 25 mars 1986, B/80-86, 1279W5, Délibérations de la commission permanente du Conseil général, 1986, AD 972.
  • [17] Extrait de délibération du 26 mai 1986, B/182-86, Ibid.
  • [18]  F.B, « Vers l'aménagement d'un grand Musée de l'Impératrice », in France-Antilles Martinique, 28/03/19865, dans 14J50/2, op. cit. p. 3.
  • [19] Ibid.
  • [20] Extrait de délibération du 30 juin 1986, B/246-86, 1279W5.
  • [21]  Extrait de délibération du 4 septembre 1986, B/323-86, 1279W5.
  • [22] « L’exemple de la Pagerie ; Investir dans la culture », in France-Antilles Martinique, dans 14J50/2, op. cit. p. 3.
  • [23]  Extrait de délibération du  21 mars 1987, B/127-87, 1279W5